Selon les termes du Communiqué du Conseil des Ministres du 22 décembre 2021 , « pris en application de la loi n°2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du Travail et conformément aux normes de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur le genre dans l’économie,  ce décret vise à assurer davantage à la femme, les conditions d’un travail décent, convenablement rémunéré et effectué dans un environnement de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine ».

La population cible

Partant de sa dénomination, nous comprenons que le décret du 22 décembre 2021 ne concerne que les femmes enceintes avec une extension faite à l’article 4, pour prendre en compte les femmes de retour de couches jusqu’à trois (3) mois après leur reprise normale du travail. Il exclut donc les femmes qui ne sont pas enceintes.

Innovations : Les travaux interdits et abrogation du texte antérieur

Le décret n° 2018-272 du 7 mars 2018, en ses articles 4, 5 et 6, énumèrent quelques travaux interdits aux femmes et aux femmes enceintes. A contrario, le décret n° 2021-919 du 22 décembre 2021 ne se réfère qu’à un futur arrêté conjoint des Ministres en charge du Travail et de la Santé qui déterminerait la liste des travaux dangereux auxquels les femmes enceintes ne pourraient être affectées.

Le nouveau texte de 2021 abroge toutes les dispositions du texte de 2018 enlevant ainsi la possibilité d’appliquer les aspects plus protecteurs et plus précis.

Contribution dans le dispositif règlementaire

La femme enceinte a une santé fragile. Il est par conséquent légitime de la protéger. Ce qui est moins audible si nous restons dans la logique de la protection des travailleuses telle qu’indiquée dans le communiqué du Conseil des Ministres, c’est le retrait des femmes non enceintes du dispositif alors qu’elle était aussi la cible du décret de 2018. Ainsi, ce décret interdit d’affecter les femmes enceintes à des travaux excédant leurs capacités physiques et présentant des causes de danger. Aussi, pour les travaux correspondant à leurs capacités physiques, il impose des moments effectifs de repos.

Par ailleurs, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) considère l’égalité et la non-discrimination au travail comme un droit fondamental. Cela insinue qu’interdire certains travaux aux femmes serait contraire à ces principes et pourrait les empêcher d’avoir accès à certains emplois ; d’où le retrait des femmes du nouveau texte.

Nos interrogations

De ce qui précède et de notre avis, à travers la prise du décret n° 2021-919 du 22 décembre 2021, l’Etat de Côte d’Ivoire entend renforcer sa position dans le concert des pays égalitaires en matière de Genre.

Il est bien de se conformer aux normes internationales. C’est encore excellent de mettre en avant la condition de la femme et plus particulièrement, la sécurité de la femme enceinte.

Toutefois, que valent ces conditions dans un ensemble de textes de loi qui ne peuvent s’appliquer convenablement ?

En effet, la loi portant code du Travail en Côte d’Ivoire a été adoptée et promulguée le 20 juillet 2015. Elle est entrée en vigueur le 14 septembre de la même année après sa publication au Journal officiel. La bonne application de la loi précitée nécessite la signature d’une soixantaine de textes réglementaires, principalement des décrets. Cependant, plus de six années après sa promulgation, seulement sept (7) décrets ont été pris. Pourquoi après six (6) ans l’ensemble des textes règlementaires demeurent au stade de projet ou d’avant-projet  alors que, pour la loi n° 95-12 du 12 janvier 1995 portant code du travail, la presque totalité des textes règlementaires étaient signés un an après son entrée en vigueur ?

Lucas ABOUO

Attaché du Travail et des Affaires Sociales

Ulrich DJE

Administrateur Principal du Travail et des Lois Sociales

Manager Senior en Gestion des Ressources Humaines et Législation du Travail

1 COMMENTAIRE

  1. Merci camarade Djè, j’ai souvent dit que ton absence au CCTNIT nous fait fortement défaut. Là est une des fortes preuves que voici. Merci pour ces éclaircissements. Je pense que je prends en compte l’analyse que je poserai en réunion du CCTNIT afin qu’une révision soit faite.

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