Les pays africains producteurs de pétrole en général et la Côte D’Ivoire en particulier ont longtemps manqué de centres de formation pour se doter d’une main-d’œuvre qualifiée et des cadres dans la chaîne de valeurs pétrolières. 

En Côte D’ivoire, l’on a semblé surpris par la  découverte du pétrole. Les ivoiriens formés dans le cadre des industries extractives l’étaient pour le secteur minier au détriment du secteur pétrolier et gazier. On pouvait ainsi observer sur les sites de production (Offshore, Onshore), que les postes clés (ingénierie, production, maintenance, logistique) étaient assurés par des expatriés et que les travailleurs locaux n’intervenaient que dans les travaux secondaires. Point n’était besoin d’être une compétence pointue pour faire partie des « expatriés exclusivement importées ». Plus grave, les « heureux invités » venaient en Côte D’Ivoire pour « faire carrière » et non pour former les ivoiriens en vue de leur remplacement. 

Apparition du concept de contenu local

Ce Phénomène n’a cependant pas toujours été propre à la Côte D’Ivoire et aux  seuls pays africains. En effet dans les années 1970, la Grande Bretagne, était fortement dépendante d’investissements américains pour exploiter ses gisements pétroliers situés en mer du nord. Le concept de « local content » ou « contenu local »  est alors apparu. Il désigne, pour une entreprise multinationale, le fait d’intégrer dans ses processus de production, des entreprises et de la main-d’œuvre locale dans les pays étrangers où celle-ci a des activités .

Le secteur extractif (mines, pétrole et gaz) est le premier concerné par ce système de préférence nationale, celui-ci étant attractif pour les investissements étrangers mais peu créateur d’emplois directs dans la région.  L’application du contenu local a permis à la Grande Bretagne de valoriser son tissu d’entreprises parapétrolières, qui sont progressivement montées en compétence pour fabriquer l’ensemble des matériels nécessaires au développement des champs pétroliers.

Depuis lors, ce concept s’est diffusé dans de nombreux pays miniers et producteurs de pétrole, d’abord en Amérique du Sud, puis sur le continent africain avec une attention particulière pour le Sénégal qui s’y est engagé avant même de commencer la production du pétrole et du gaz. Les pays africains producteurs de pétrole ont ainsi entamé la formation pour de nombreuses qualifications du secteur. Ce sont : l’Angola 2000), le Liberia (2000), l’Afrique du sud (2002), le Nigeria (2010), le Cameroun (2013), le Ghana (2013), le Mozambique (2014), le Gabon (2015), le Congo 2016), le Sénégal (2019) et la Côte D’Ivoire. 

Le contenu local en Côte D’Ivoire et en Afrique

La loi relative au Contenu Local  qui a été promulguée le 13 Juin 2022 en Côte D’Ivoire est: «  l’ensemble des actions et initiatives visant à promouvoir et à accroitre l’utilisation des ressources humaines et matérielles locales, des biens et services locaux, la formation et le développement des compétences locales, le transfert de technologie et le développement des capacités des entreprises ivoiriennes, et à terme, la valeur ajoutée locale dans toute la chaîne des activités pétrolières et gazières ». 

Au Sénégal, « Il (le contenu local) renvoie à l’ensemble des initiatives prises en vue de promouvoir l’utilisation des biens et des services nationaux ainsi que le développement de la participation de la main-d’œuvre, de la technologie et du capital nationaux dans toute la chaîne de valeur de l’industrie pétrolière et gazière ». 

Quant pour le Congo ; « Le Contenu local est l’utilisation du tissu industriel local et des compétences locales dans la réalisation des activités économiques dans les secteurs des hydrocarbures, des mines, de l’industrie forestière, des BTP, des services, etc. ». Tous les autres pays africains se sont engagés dans la même voie.

Enjeux et finalités du contenu local

Quelques soient les termes utilisés, le contenu local  s’inscrit dans la droite ligne des efforts des pays producteurs, pour favoriser l’emploi et le développement économique. Il nous renvoie à la préférence nationale. Tel que conçu, le contenu local permettra  donc :

  • L’augmentation de l’embauche de travailleurs locaux dans les secteurs concernés (pétrolier et gazier pour la Côte D’Ivoire),
  •  la formation de ceux-ci et le remplacement progressif des expatriés.  
  • L’occasion offerte aux entreprises locales de pénétrer lesdits secteurs.
  • L’approvisionnement des secteurs concernés en biens et services locaux  
  • La transformation locale (enrichissement) des produits des opérations desdits secteurs. 

Nous appuyant sur la définition du contenu local au Congo, il ressort que le concept n’est pas propre au seul secteur pétrolier. En Côte D’Ivoire, le chef de l’Etat ne s’y est pas trompé qui,  se félicitant de son élaboration, a déclaré lors de son discours de fin d’année (Décembre 2021) : « Nous poursuivrons, comme nous l’avons fait dans le secteur pétrolier et gazier, la promotion du contenu local, afin de faire émerger des champions nationaux dans les domaines clés de notre économie  “. 

Mise en œuvre et suivi du contenu local

Le contenu local entraînera pour les employeurs prioritairement

  • l’obligation du recrutement et de l’emploi  du personnel de nationalité ivoirienne disposant des qualités requises, 
  • La mise en place de programmes de formation et / ou de compagnonnage de la main-d’œuvre ivoirienne permettant à celle-ci d’accéder à tous les niveaux de responsabilité dans les entreprises.

Le contenu local est une loi à la différence des dispositions antérieures

Il sera défini par décret, la liste des postes qui doivent être occupés en totalité par les nationaux, ainsi que la proportion des travailleurs ivoiriens dans les entreprises du secteur.  Cela signifie que des postes reviennent de par la loi aux nationaux qualifiés, bien qu’il n’existe hélas, sans partage de production, aucun investissement national dans le secteur.  La concurrence au niveau des postes se fera uniquement entre nationaux et non plus entre nationaux et expatriés. Cela entraînera le développement de la formation professionnelle. 

Pour les travailleurs, la formation est perçue comme le socle du succès du contenu local.

Le contenu local c’est aussi : « l’utilisation du tissu industriel local et des compétences locales dans la réalisation des activités économiques dans les secteurs des hydrocarbures ». A ce niveau ; n’étant pas des spécialistes des questions économiques,  nous avons plus de questions à poser que de réponses à  donner. 

Les textes vont-ils permettre la mise en place de dispositifs permettant aux nationaux de :

  • Bénéficier d’appuis pour la création et le développement de leurs entreprises,
  • D’accéder aux financements pour leurs investissements;
  • De faciliter l’acquisition de biens d’équipements et de matériels etc.

Conclusion

Malgré ces “incertitudes économiques” la loi relative au contenu local dans les activités pétrolières et gazières est une grande innovation dans le dispositif légal social en Côte D’Ivoire. En ce sens qu’elle apporte de la matière dans la formation professionnelle et une portée dans celle des métiers du pétrole et du gaz en plus de renforcer le tissu économique national par la participation des entreprises locales.

Imrana KONATE 

Consultant chargé des questions syndicales

Secrétaire Général de la Confédération des Syndicats du Secteur Pétrolier Offshore et Onshore (COSYSPOO)

Références

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